Le blog de Julien Salingue - Docteur en Science politique
5 Avril 2011
Alain Gresh vient de publier, sur son blog Nouvelles d'Orient, la préface qu'il a rédigée pour mon livre, A la recherche de la Palestine : au-delà du mirage d'Oslo. En voici un extrait :
Demain, la Palestine ?
Les thèses exprimées par Julien Salingue dérangeront. C’est pour cela qu’il faut les lire et y réfléchir, car elles nous forcent à sortir du cadre étroit qu’imposent souvent des médias qui présentent le conflit en Terre sainte comme un affrontement entre deux peuples, entre deux légitimités et qui oublient qu’il met aux prises un occupant et un occupé. Comme de nombreux jeunes Français, Julien Salingue a découvert la Palestine au cours d’un voyage au début des années 2000. Comme beaucoup d’autres, il en a été bouleversé, car ce qu’il y a découvert ne peut laisser personne indifférent, surtout si l’on se réclame de la justice, des droits humains, de l’égalité. On ne sort pas indemne des violations de tous les principes que vivent quotidiennement les Palestiniens, dans un silence souvent complice des autorités occidentales.
On lira donc avec intérêt ses descriptions vivantes de la Palestine, comme ses analyses à contre-courant : la persistance de la question des millions de réfugiés palestiniens et de leurs aspirations ; les compromissions de l’Autorité palestinienne ; la crise interne du Fatah. Son chapitre sur la prise du pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza montre que l’organisation islamiste n’a fait que répondre à une tentative de coup d’Etat orchestré par les Etats-Unis et l’auteur rappelle leur refus (et celui de l’Union européenne) de reconnaître le résultat des élections législatives de janvier 2006, refus qui éclaire d’un jour singulier la conception que l’Occident se fait de la démocratie.
Sur deux points fondamentaux, les thèses de Julien Salingue reprennent des controverses qui agitent le mouvement de solidarité avec la Palestine. Non sur le bilan des accords d’Oslo qui s’est révélé catastrophique, mais sur l’idée que ceux-ci devaient forcément déboucher sur l’échec. On pourrait, en effet, rétorquer, que ce n’est pas parce qu’un événement advient qu’il devait forcément advenir. De nombreux éléments impondérables, que ce soit l’assassinat d’Itzhak Rabin ou les erreurs de la direction palestinienne, ont pu jouer. Bien sûr, ces accords étaient plus qu’imparfaits, mais ne pouvait-on espérer une dynamique différente ? Après tout, en Afrique du Sud, qui aurait parié au début des années 1990 sur une solution politique assurant la victoire de la majorité ? D’autre part, il faut rappeler les conditions dans lesquelles sont signés ces accords en 1993, avec une OLP sortie affaiblie du soutien de Yasser Arafat à Saddam Hussein et menacée de disparition. On regrette parfois que l’auteur ne prenne pas suffisamment en compte les dynamiques politiques régionales et internationales, comme si le problème palestinien et sa solution pouvaient être isolés.
L’autre débat concerne la solution : un Etat palestinien à côté d’Israël ou un seul Etat ? Julien Salingue se prononce sans ambiguïté pour cette seconde solution, prônée par un nombre croissant de Palestiniens, tant la perspective d’un Etat en Cisjordanie et à Gaza apparaît de plus en plus irréaliste, compte tenu notamment de la colonisation et malgré le consensus international en sa faveur. L’Afrique du Sud peut-elle servir d’exemple ? Plein de points rapprochent les deux situations, mais il existe au moins deux différences : le rapport démographique entre « colons » et « colonisés » qui est de un à deux en Palestine (si on inclut les réfugiés) était de un à dix en Afrique du Sud. D’autre part, l’ANC a construit toute sa stratégie, y compris son usage de la violence, sur cette volonté de construire un pays multiracial et d’attirer à elle une partie de la population blanche. Un Etat unique où coexisteraient les Palestiniens et les Israéliens juifs peut-il se construire sans que ces derniers, d’une manière ou d’une autre, ne soient associés au combat ? Ce qui nécessite non seulement des moyens de lutte particuliers, mais aussi des perspectives claires. Le futur Etat sera-t-il un « Etat arabe » ? Sera-t-il binational ou celui de tous ces citoyens ? Quelles seront les garanties constitutionnelles ?
(...)
La suite sur le blog d'Alain Gresh.
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